Si le principe d’acheter des cryptomonnaies repose en partie sur l’anonymat, son adoption de masse et les activités frauduleuses qu’elle entraîne (telles que le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme) ont rapidement incité les législateurs à combler le vide juridique.
Binance et Coinbase, deux acteurs majeurs du trading de cryptomonnaies, ont tous deux décidé d’imposer des processus KYC « Know Your Customer » stricts dans le but de respecter les normes LCB-FT, ainsi que le tout dernier cadre réglementaire sur les cryptoactifs (MiCA). Lors de l’inscription sur l’une de ces plateformes, les utilisateurs doivent fournir une pièce d’identité, prendre un selfie d’identification et fournir également des informations personnelles supplémentaires. Comment ça fonctionne ? Quels risques pour les plateformes et les utilisateurs qui achète de la crypto sans KYC ?
Certaines personnes tentent de contourner les contrôles KYC pour plusieurs raisons :
• Certains utilisateurs considèrent que la vérification d’identité va à l’encontre du principe même des cryptomonnaies ;
• D’autres veulent éviter des sanctions, des embargos ou ne pas être identifiés en tant que personnes politiquement exposées (PPE) ;
• Des organisations illicites tentent d’accéder aux plateformes d’échange de cryptomonnaies pour blanchir de l’argent ;
• D’autres utilisateurs font de l’évasion fiscale ;
• Des utilisateurs mineurs tentent de faire du trading de cryptomonnaies.
Pour toutes ces raisons et d’autres encore, certains utilisateurs ont recours à des méthodes douteuses pour éviter les contrôles KYC.
Mais contourner le processus KYC et la vérification d’identité peut non seulement avoir de graves conséquences pour les utilisateurs de cryptomonnaies, mais également causer des problèmes réglementaires pour les acteurs crypto.
Les risques réglementaires d’une absence de contrôle KYC
Si les processus KYC empêchent les utilisateurs de s’inscrire sans vérification d’identité, ces restrictions ont créé un véritable business sur le marché noir. Moyennant paiement, des places de marché sur le dark web offrent aujourd’hui des comptes vérifiés sur les plateformes d’échange crypto ou autres services de paiement.
Pour une somme allant de 100 à 500 €, vous pouvez acheter un compte approuvé sur les plateformes de trading en peer-to-peer, les plateformes d’échange de crypto professionnelles ou les principaux services de paiement. Ces comptes sont soit créés sous un faux nom avec fausse adresse et faux documents d’identité, soit avec des données réelles obtenues de manière illicite.
Dans une enquête menée par le média spécialisé CoinDesk, de faux comptes sur les plateformes Binance US, Coinbase Pro, et les services de paiement Cash App et Wirexwere ont été étudiés par un journaliste. L’analyse a révélé que la plupart des comptes appartenaient à de véritables citoyens en Europe ou aux États-Unis, et étaient accompagnés d’instructions expliquant comment utiliser les réseaux VPN. Mais l’enquête a surtout révélé que les identifiants de connexion utilisés pour les adresses e-mail étaient des numéros Google Voice — un outil parfois utilisé par les fraudeurs pour créer de faux comptes.
Certains utilisateurs allaient très loin pour faire illusion, en se géolocalisant au même endroit que leur victime ou en respectant scrupuleusement les limites de transaction. Il est donc probable que certains utilisateurs ont pu accéder à des portefeuilles crypto en utilisant les comptes d’autres personnes, contournant ainsi le processus KYC. Les faux comptes sur les plateformes d’échange de crypto ne représentent cependant qu’une fraction du marché noir de la fausse identité ; le secteur revendique plus de 15 milliards de types d’identifiants différents d’après l’entreprise spécialisée dans la cybersécurité Digital Shadows.
Les fraudeurs qui exploitent les données à des fins illicites représentent un risque majeur pour les fournisseurs de services et plateformes de cryptomonnaies. Des régulateurs tels que l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) ont déjà mis à l’amende des plateformes d’échange de cryptomonnaies telles que BitGo pour non-respect des sanctions économiques appliquées par les États-Unis, déclarant que la plateforme avait permis (bien qu’à son insu) à des personnes situées en Syrie, en Iran, au Soudan ou à Cuba d’utiliser ses services de trading.
Le processus KYC au service du développement du marché crypto
Malgré la popularité du marché noir pour les comptes vérifiés, il reste possible de réduire les risques en faisant appel à des processus KYC robustes. Mais pour faciliter leur adoption par le consommateur, les processus d’onboarding doivent rester aussi simples et sécurisés que n’importe quel service financier. La solidité des processus KYC doit être analysée et mise à l’épreuve.
Bien que les crypto-enthousiastes voient les processus KYC comme un frein à l’adoption, le CEO de Binance, Changpeng Zhao, a déclaré à Bloomberg que la mise en place de telles règles n’avait eu que très peu d’impact sur l’activité ; seuls 3 % des clients ont été perdus après implémentation d’un processus KYC renforcé.
En utilisant une approche à plusieurs niveaux et en combinant différents moyens d’identification, les processus KYC peuvent être largement améliorés. Un simple selfie n’est pas suffisant pour éloigner les fraudeurs, mais combiné à une identification vidéo et à la collecte de documents officiels, le processus KYC est renforcé.
Simple et rapide, la procédure doit également être transparente pour l’utilisateur et se dérouler dans un environnement plaisant pour que le processus d’onboarding soit aussi fluide et intuitif que possible. Un système automatique basé sur l’intelligence artificielle, associé à des mécanismes d’analyse et des contrôles de géolocalisation, offre la solution idéale pour réduire les risques induits par les fraudeurs tentant de contourner le KYC.
Le fait de respecter ces conventions permettra aux plateformes d’échange de participer à la démocratisation et à l’adoption de masse des cryptomonnaies, tout en dissuadant les fraudeurs.
Les plateformes de cryptomonnaies et les mécanismes KYC
Bien qu’il reste possible d’acheter des cryptomonnaies sans avoir suivi de processus KYC, cela reste plus compliqué et plus risqué (car ces plateformes n’offrent aucune protection en cas de problème) comparé à une plateforme d’échange qui respecte les critères KYC.
Les Fintechs qui ont mis en place un processus de vérification d’identité pourront en témoigner : les contrôles KYC peuvent être à la fois simples et transparents.
Les acteurs crypto évoluant sur le marché européen doivent depuis peu se conformer à la 5e version de la directive anti blanchiment d’argent et financement du terrorisme (LCB-FT) de l’Union européenne. Le moment est donc bien choisi pour les plateformes d’échange de se pencher sur leurs procédures KYC et LCB-FT dans le but de les améliorer, ce qui bénéficiera à la fois aux utilisateurs et à la plateforme elle-même.
Les réglementations crypto à venir vont-elles assez loin pour protéger les utilisateurs et les échanges de crypto contre les activités malveillantes ? Découvrez l’interview de Jason Tucker-Felthman, Head of Crypto Sales chez IDnow.
Le KYC dans la crypto : la croissance par la confiance.
Par
Francisco Martins
Senior Identity Consultant, Financial Sector UK/I chez IDnow
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