Les rapports plus ou moins troubles entre l’argent et le monde de l’art se déclinent aujourd’hui en ligne.
En mars 2021, l’artiste Mike Winkelmann, plus connu sous le nom de Beeple, a vendu l’une de ses œuvres d’art sous la forme d’un jeton non fongible (Non-Fungible Token ou NFT) chez Christie’s pour 69 millions de dollars. Grâce à ce coup d’éclat, il devient l’un des trois artistes vivants les plus cotés au monde. Moins d’un an après, la principale place de marché de NFT, OpenSea, ouvre en 2022 avec un volume d’échanges de plus de 5 milliards de dollars pour le seul mois de janvier, soit l’équivalent du total de l’année 2021. On peut donc légitimement affirmer que les NFT ont dépassé le stade d’une simple tendance. Il semble même temps de les intégrer dans le giron réglementaire et de mettre en place des mesures KYC afin de protéger les plateformes NFT et leurs clients contre toute forme de fraude et de criminalité financière.
Que sont les jetons non fongibles (NFT) ?
Les NFT ou jetons non fongibles sont des jetons non interchangeables stockés sur une blockchain ou une autre forme de registre distribué. Les jetons peuvent représenter n’importe quel type d’objet ou de donnée — d’une image à une vidéo en passant par un actif numérique dans un jeu vidéo. En raison de leur caractère unique et non interchangeable, les NFT sont souvent comparés à des objets de collection traditionnels, comme les jeux de carte ou les œuvres d’art, à la différence près qu’ils sont dématérialisés.
Quelle différence entre les NFT et les cryptomonnaies ?
Contrairement aux NFT, les cryptomonnaies sont fongibles : chaque unité est identique à une autre. À l’instar des monnaies FIAT traditionnelles telles que l’euro, le dollar ou la livre sterling, toutes les unités monétaires sont égales et interchangeables. Dans la pratique, les NFT sont généralement achetés à l’aide de cryptomonnaies. En d’autres termes, les NFT sont le produit que vous achetez, tandis que les cryptomonnaies représentent le moyen de paiement.
Où acheter des NFT ? Comment sont-ils stockés ?
Il existe de nombreuses marketplaces pour les NFT, telles que OpenSea, Rarible ou Nifty Gateway. Et de nombreuses plateformes d’échange de cryptomonnaies reconnues comme Coinbase ou Binance proposent à présent le trading de NFT. Si certaines marketplaces permettent de stocker des NFT, ceux-ci sont plus généralement conservés dans un portefeuille individuel. Le portefeuille le plus populaire pour le stockage des NFT est MetaMask. Après avoir acheté un NFT sur une marketplace, le jeton peut ainsi être transféré sur votre portefeuille personnel.
Projets NFT populaires.
Bien que la tendance NFT soit encore relativement récente, il existe déjà des milliers de « projets » :
Nom du projet | Description |
---|---|
Crypto Kitties | Achat et vente de chatons virtuels uniques. L’un des premiers projets NFT à avoir connu un succès significatif. |
Crypto Punks | Collection de personnages pixelisés uniques sur un thème punk. Populaire en tant qu’image de profil sur Twitter. |
Bored Ape Yacht Club | Collection d’avatars uniques représentant un singe. Populaire en tant que photo de profil également. |
Axie Infinity | Collection et combats de créatures imaginaires. |
Sorare | Collection de cartes numériques de joueurs de foot. Plus de 200 clubs sous licence officielle. |
NBA Top Shot | Collection de clips vidéo du championnat NBA. |
Le monde de l’art et le blanchiment d’argent : une longue histoire
Bien avant l’avènement des NFT, les œuvres d’art étaient déjà utilisées comme réserves de valeur, ce qui en faisait des cibles idéales pour le blanchiment d’argent. Contrairement à d’autres actifs (tels que les actions ou l’or) la valeur d’une œuvre d’art est très subjective. Les plus grandes toiles sont souvent estimées à plusieurs millions d’euros ; le Salvator Mundi de Léonard de Vinci s’est ainsi vendu dernièrement à 450 millions de dollars. Les œuvres d’art (principalement les toiles) sont donc idéales pour stocker, déplacer et échanger de très importantes réserves de valeur sous une forme extrêmement compacte. C’est pour cette raison qu’elles sont depuis longtemps associés à la contrebande et au blanchiment d’argent.
Les ventes aux enchères ont représenté en 2018 3 milliards d’euros en France, dont 1,4 milliards d’euros pour le secteur des objets d’art et de collection. La ville de Paris occupe tout particulièrement une place majeure sur le marché des ventes d’objets d’art et de luxe et est donc très attractive, notamment pour des clients étrangers.
Dans une analyse nationale des risques, le Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB) révèle les risques inhérents de blanchiment d’argent dans le monde de l’art. En effet, l’acquisition d’œuvres d’art ou d’antiquité permet de converser la valeur de l’actif, voire de l’augmenter. Ce secteur est donc de plus en plus prisé par les fraudeurs.
L’attrait des NFT pour le blanchiment d’argent
Les NFT sont essentiellement des œuvres d’art numériques : ils présentent donc les mêmes caractéristiques que les œuvres classiques. Ils ont également l’avantage d’être entièrement dématérialisés, ce qui facilite considérablement les échanges et autres déplacements par rapport à des objets physiques. Comme pour les cryptomonnaies, un NFT peut être transféré d’un portefeuille ou d’un propriétaire à un autre en quelques secondes.
Mais ce qui rend les NFT particulièrement intéressants pour le blanchiment d’argent est la volatilité des prix. Alors que le taux de change entre le bitcoin et l’euro suit les lois de l’offre et de la demande dictées par le marché, les prix des NFT sont hautement spéculatifs. Dans la pratique, un NFT qui vient d’être acheté pour 1 euro peut être vendu pour 1 million d’euros le lendemain. Les NFT sont donc extrêmement attrayants pour blanchir de l’argent par le biais de transactions légitimes.
Alors que la blockchain permet de tracer les transactions d’un portefeuille à l’autre, il reste extrêmement facile en l’absence de processus KYC de transférer des fonds de manière anonyme, ce qui représente une importante menace en termes de blanchiment d’argent et de criminalité financière.
Le processus KYC dans un monde décentralisé
Comme les plateformes d’échange de crypto il y a quelques années, la plupart des marketplaces NFT n’imposent pas de processus KYC à leurs utilisateurs. Mais à l’instar des cryptomonnaies, acheter et échanger des NFT sur des plateformes sans processus KYC peut représenter un risque considérable, autant pour les utilisateurs que pour les plateformes elles-mêmes. Parmi les secteurs d’activité qui pourraient bénéficier du processus KYC dans le cadre de l’onboarding client, on peut citer les jeux vidéo ou encore le secteur du voyage (location de vacances). Pour en savoir plus, découvrez comment protéger les propriétaires et les voyageurs des arnaques à la location de vacances ?.
Quelle réglementation pour les NFT ?
Les instances de régulation de chaque pays commencent à peine à rattraper leur retard en matière de réglementation des cryptomonnaies. Avec la mise en œuvre de la 5e directive LCB-FT, l’Union européenne inclut à présent les cryptomonnaies dans sa réglementation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, ainsi que le futur cadre réglementaire de l’UE sur les cryptomonnaies, MiCA. Toutefois, en raison de leur caractère non fongible, les NFT ne sont pas nécessairement couverts par les lois existantes et tombent donc dans des zones grises juridiques et réglementaires.
Plateformes NFT : pourquoi mettre en place des processus KYC et LCB-FT ?
Compte tenu de la popularité croissante des NFT et surtout de l’explosion du volume des transactions, il n’est plus qu’une question de temps avant que les instances de régulation étendent la réglementation LCB-FT aux NFT. Le même débat a d’ailleurs lieu autour de la finance décentralisée (DeFi).
Les marketplaces et plateformes NFT doivent agir au plus tôt et intégrer dès à présent des processus KYC afin d’être reconnues comme conformes dès lors que les réglementations LCB-FT seront adoptées.
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Le KYC dans la crypto
Jonathan Bluemel
Senior Content & SEO Manager at IDnow
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